La loi relative au traitement des données des passagers recadrée par la CJUE

Ce 21 juin 2022, la Cour de Justice de l’Union européenne a rendu un arrêt riche d’enseignements dans l’affaire C-817/19 que Catherine Forget a eu le plaisir de plaider devant la Grande Chambre de la Cour de Justice de l’Union européenne pour la Ligue des droits Humains. Pour rappel, à travers dix questions préjudicielles posées par la Cour constitutionnelle belge, il s’agissait d’examiner la compatibilité de la loi du 25 décembre 2016 relative au traitement des données des passagers, et a fortiori, de la directive 2016/681 à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

La CJUE reconnaît tout d’abord que la directive précitée entraîne une ingérence d’une « gravité certaine » dans les droits fondamentaux dès lors qu’elle « vise à instaurer un régime de surveillance continu, non ciblé et systématique » à l’égard de l’ensemble des personnes faisant usage de services de transport aérien.. Cependant, tout en soulignant le taux extrêmement élevés de faux positifs et d’erreurs, elle autorise l’utilisation d’un tel système sous réserve de conditions (très) strictes.

Ainsi, l’utilisation des données PNR et la durée de conservation de ces données doivent présenter un lien avec l’objectif poursuivi, à savoir, la lutte contre les infractions terroristes et la criminalité grave. Par ailleurs, s’agissant de la confrontation des données PNR aux bases de données, la Cour limite l’examen aux bases de données concernant les personnes ou les objets recherchés ou faisant l’objet d’un signalement. Concernant l’évaluation préalable au regard de critères préétablis, ceux-ci doivent être déterminés de manière à cibler, spécifiquement, les individus à l’égard desquels pourrait peser un soupçon raisonnable de participation à des infractions terroristes ou à des formes graves de criminalité tout en tenant compte des éléments « à charge » et « à décharge ». En sus, l’accès à ces données doit, en principe être subordonnée à un contrôle préalable effectué soit par une « juridiction », soit par une « autorité administrative indépendante » sur demande motivée des autorités compétentes. En outre, la Cour rappelle le caractère exhaustif de l’énumération des objectifs poursuivis par la directive laquelle n’inclut pas le suivi des activités visées par les services de renseignement et de sécurité tel que le prévoit la loi belge ou « l’amélioration des contrôles aux frontières et de la lutte contre l’immigration clandestine ». Enfin, la CJUE estime qu’en l’absence d’une menace terroriste réelle et actuelle ou prévisible à laquelle fait face l’État membre concerné, l’application sans distinction à l’ensemble des vols intra-UE ne saurait être considérée comme étant limitée au strict nécessaire.

Cet arrêt remet indubitablement en cause notre loi du 25 décembre 2016. La balle est désormais dans le camp de la Cour constitutionnelle.